C’est l’équivalent d’une rupture ligamentaire.
Pourquoi ça arrive ?
Lors d’une entorse du genou, et en particulier lors d’une blessure en skiant, le ligament croisé peut arracher l’os (l’épine tibiale) sur lequel il s’insère.
La fracture d’une épine tibiale, antérieure ou postérieure, est donc l’équivalent d’une rupture ligamentaire.
La fracture de l’épine tibiale pose donc deux problèmes :
- Celui du déplacement de la fracture
- Celui de l’état du ligament (croisé).
Un peu d’anatomie
Les épines tibiales sont de petits reliefs osseux sur la partie centrale de la surface du tibia (on parle du massif des épines tibiales).
- Le ligament croisé antérieur s’attache au tibia sur l’épine tibiale antérieure, et le ligament croisé postérieur sur l’épine tibiale postérieure.
- Lors de la torsion du genou, le ligament est mis brutalement sous tension, mais au lieu de se rompre, il peut tenter d’arracher le fragment osseux sur lequel il s’attache.
- Ce type de lésion est plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent (ligament souvent plus solide que l’os en croissance) ; il peut survenir aussi chez la femme autour de 40 ans.
Fracture de l’épine tibiale antérieure
Diagnostic
Il se fait sur une radio, réalisée le plus souvent au cabinet médical (souvent en station).
L’importance du déplacement du fragment osseux peut aussi être précisée sur la radio (puis un scanner si besoin).
Une IRM permet d’apprécier l’état du ligament croisé antérieur.
Mécanisme
Il s’agit donc d’une torsion du genou, entraînant une mise en tension brutale du LCA qui, au lieu de se rompre (entorse grave), cherche à arracher le pavé osseux (l’épine tibiale antérieure) sur lequel il s’attache.
La fracture est-elle déplacée ?
La suite repose sur l’importance du déplacement de la fracture de l’épine tibiale.
Peu ou pas déplacée
Il n’est pas nécessaire de la remettre à sa place (« réduire » la fracture) ni de fixer le fragment : il peut consolider là où il est.
Si le déplacement est net
Le fragment peut s’interposer entre le tibia et le fémur et bloquer le genou (souvent en flexion). Un geste chirurgical est alors nécessaire pour débloquer l’articulation.
En pratique
Si l’extension est possible
Si l’extension est possible, soit d’emblée, soit après une période d’auto-rééducation, il est logique de tenter un traitement fonctionnel, visant à retrouver une vie quotidienne normale, sans chirurgie.
Un nouveau bilan clinique et radiologique à distance (environ un mois) permettra de faire le point sur l’état du ligament croisé antérieur.
Les exercices pour travailler l’extension
Si le genou est bloqué
Si le fragment est nettement déplacé, il peut bloquer l’extension : un geste chirurgical est donc nécessaire rapidement pour libérer l’extension.
Options chirurgicales
- Soit replacer le fragment et le fixer par laçage ou vissage,
Vissage de l’épine tibiale sous arthroscopie.
Laçage du fragment de l’épine tibiale.
- Soit enlever la partie du fragment gênante pour libérer l’extension,
- Soit une combinaison de ces deux gestes.
Ces gestes se réalisent sous arthroscopie, le plus souvent en ambulatoire (dans la journée).
Indications chirurgicales
Le chirurgien va choisir en fonction :
-
Du volume du fragment osseux
- Fragment parfois trop petit pour être vissé (risque de fragmentation lors du vissage).
-
De l’état du ligament croisé antérieur
- Normal ou presque
- Déchiré
- Rompu ou inefficace
- De l’âge
- De la motivation du patient ou de la patiente.
Suites opératoires
Ablation simple du fragment
Les suites sont celles d’une arthroscopie, en tenant compte de l’engagement dans l’auto-rééducation.
Vissage ou laçage de l’épine
Les suites peuvent bien sûr être simples.
Cependant, la fréquence des suites compliquées (douleurs, boiterie persistante en flessum, retentissement professionnel et personnel) me fait réserver ces indications de fixation de l’épine tibiale à des situations où tous les facteurs sont « au vert » et où le patient ou la patiente, bien informé(e), est motivé(e).
Dans les autres cas, l’ablation simple du fragment gênant permet de retrouver rapidement une vie quotidienne normale.
Quant à la nécessité d’une reconstruction du ligament croisé antérieur par la suite si un mouvement anormal persiste, elle sera discutée selon les critères habituels (âge, sports pratiqués, motivation).
Importance de l’auto-rééducation
Il est très important, quelle que soit la technique utilisée (opérée ou non), de s’engager dans l’auto-rééducation pour arriver à marcher en appuyant, jambe tendue, genou verrouillé par le quadriceps.
En effet, après quelques jours à marcher genou plié (flessum), parfois sans appui, il peut être difficile de « verrouiller » le genou et de reprendre un appui franc.
Intérêt donc de travailler ces exercices dès la consultation et de se les approprier.
Le traitement non chirurgical
L’extension doit être possible
Le patient (ou la patiente) doit pouvoir tendre sa jambe allongé(e), puis se lever en prenant appui sur le pied en gardant la jambe tendue.
Cela confirme que le fragment ne bloque pas le genou.
Dans ce cas, il est logique d’envisager un traitement « fonctionnel », sans chirurgie : marcher jambe tendue et appuyer dessus pendant environ trois semaines pour permettre la consolidation spontanée.
Cela nécessite l’adhésion du patient pour « réveiller » le quadriceps avec quelques exercices simples : tendre la jambe, laisser le genou plier, et surtout reprendre l’appui sur la jambe tendue.
Parfois le fragment ne bloque pas le genou, mais de gros efforts sont nécessaires pour arriver à tendre la jambe…
Ceci nécessite un suivi, mais ça fonctionne.
L’état du ligament croisé antérieur
L’autre problème est l’état du ligament : il peut être intact ou presque, ou s’être lui aussi déchiré.
En cas de rupture associée découverte lors de l’arthroscopie, il peut s’avérer inutile de fixer le fragment et plus simple de libérer l’extension en enlevant le petit fragment osseux.
Chez les jeunes et les sportifs, se posera ensuite la question de reconstruire le ligament par une greffe (technique habituelle).
Cette plastie aura souvent lieu à distance de l’accident, pour permettre au genou de retrouver une fonction normale dans un premier temps.
Fracture de l’épine tibiale postérieure
Pour la fracture de l’épine tibiale postérieure, équivalente d’une rupture du croisé postérieur, la douleur et la gêne sont plus liées au gonflement du genou qu’à la fracture elle-même, qui est en général peu déplacée et non gênante dans l’articulation.
Questions fréquentes
Est-ce forcément une rupture du ligament croisé antérieur ?
Non. L’arrachement osseux est l’équivalent d’une rupture sur le plan mécanique, mais le ligament peut être intact, partiellement déchiré, ou rompu. L’IRM et l’examen clinique aident à préciser la situation.
Quand faut-il opérer rapidement ?
Lorsque le fragment est nettement déplacé et bloque l’extension (genou « bloqué »), un geste est nécessaire pour libérer l’articulation.
Si la fracture n’est pas déplacée, que faire ?
Un traitement fonctionnel est souvent possible, avec reprise progressive de l’appui jambe tendue et un suivi clinique/radiologique.
Pourquoi insiste-t-on autant sur l’auto-rééducation ?
Parce que reprendre l’extension, réveiller le quadriceps et remarcher jambe tendue évite l’installation d’un flessum et accélère le retour à une marche normale.