Le protocole Delin.
Page revue le 25 décembre 2024
Page rédigée par le dr. J.E. Perraudin,
Chirurgien orthopédiste
Sur cette page, nous allons nous intéresser à un protocole d'immobilisation prolongée du genou, en flexion, par une attelle, après un accident de ski, pour permettre la cicatrisation d'une rupture du ligament croisé antérieur (LCA).
Ce protocole ne peut être proposé que :
- Si l'accident a eu lieu à petite vitesse
- Si l'examen clinique ne retrouve que peu de laxité, (un lachman à "arrêt dur")
- Si l'IRM réalisée rapidement et en diffusion, montre que les fragments du ligament rompu sont alignés.
Nous verrons les inconvénients de cette immmobilisation prolongée, et que la difficulté pour obtenir une IRM rapide et un rdv rapide avec un chirurgien, peut entrainer des immobilisations prolongées et surtout inutiles.
Si la pose systématique d'une attelle pour protéger le genou dans une station de montagne est pratique, il faut pouvoir rapidement consulter un spécialiste, pour faire le point sur le genou, et valider, ou non, la poursuite de l'immobilisation.
Car la question est de savoir si prendre le risque de cette immobilisation, en vaut la peine.
En effet, si le chirurgien vous fait sentir un mouvement anormal, un signe de lachman, en vous examinant (c'est indolore), le ligament est rompu et l'immobilisation parfaitement inutile.
Le seul cas où une protection par une genouillère articulée est recommandée est celui de la rupture associée du ligament interne (collatéral médial). Cette genouillère ne bloque pas la mobilité du genou.
Le protocole Delin
A partir d'une étude IRM
Une étude a été réalisée à la clinique des Maussins Nollet, par un radiologue, le dr P. Delin : il a montré que, dans le cas, très rare, d'un genou :
- Sans laxité clinique,
- Avec un aspect de "bout à bout" des deux fragments du ligament, sur une IRM en diffusion
- Sans contusion osseuse sur l'IRM,
(On parle alors de rupture intra-ligamentaire)
une cicatrisation pouvait avoir lieu dans quelques cas, avec un protocole d'immobilisation.
Avec des résultats divers
La rupture pouvait aussi se complèter, avec les risques méniscaux, liés à cette nouvelle entorse, et nécessiter quelques mois plus tard, l'opération habituelle...
Quels sont les risques de ce protocole ?
Ce sont d'abord ceux d'une immobilisation prolongée, nécessitant un traitement anti-coagulant pour éviter l'apparition d'une phlébite.
L'immobilisation prolongée
On parle ici d'une immobilisation de 6 semaines et plus ! Elle entraîne :
- Une perte musculaire
- Un risque de phlébite, d'où le traitement anticoagulant
- Un risque de perte de la flexion
- Un risque de perte de l'extension, plus difficile à récuperer, entrainant une boiterie en flessum, avec le genou plié,
- Un risque de douleurs liées à l'amyotrophie, à la marche en flessum, à la rééducation, etc.
Trois problèmes pratiques peuvent se poser :
- Rendez vous difficile à obtenir pour l'IRM : le genou reste immobilisé...
- Difficultés pour obtenir un rdv rapide en chirurgie
- Difficultés pour obtenir un rdv rapide en kinésithérapie
Et bien sûr il faut parler du handicap du patient ou de la patiente, lié au port de cette attelle.
Il faut donc réaliser rapidement une IRM et voir un spécialiste, une fois rentré(e) à la maison : si les critères ci-dessus ne sont pas respectés, mieux vaut arrêter cette immobilisation.
N'attendez pas !
Prenez rapidement un avis spécialisé, sans attendre le rdv d'IRM, auprès d'un médecin du sport ou d'un chirurgien orthopédiste.
Il pourra rechercher un mouvement anormal lors du testing de votre genou. Si ce mouvement anormal est net (lachman), ce protocole est inutile et vous pouvez vous débarasser de l'attelle.
Quant à l'intérêt de ce protocole
Le traitement d'une entorse doit être fonctionnel et dynamique, pour permettre de retrouver rapidement une vie quotidienne normale, et de tester ensuite le genou.
Notez que la reprise du ski reste a priori possible, grâce à une attelle spécifique (dite à "4 points").
La chirurgie ne se discuterait qu'en cas d'apparition d'une instabilité par la suite.
Vivre sans ligament croisé antérieurPourquoi cet article ?
Nous voyons chaque saison de ski, en consultation, des femmes autour de 40 ans, à qui l'attelle articulée a été posée, et qui, n'ayant pas trouvé de rdv de chirurgien et/ ou d'IRM (distance, disponibilité, pas d'IRM de diffusion, etc.), se retrouve toujours immobilisée quelques semaines après leur accident, voire sans anticoagulants (avec le risque d'une phlébite) et avec un genou douloureux à force de boiter...
En conclusion
Quant à la nécessité d'une opération, si le lachman est présent et donc le ligament croisé antérieur rompu, le chirurgien vous donnera son avis en fonction de votre genou (la laxité, les lésions associées (ménisques, autres ligaments), de votre âge et vous pourrez prendre votre décision, sans urgence, en fonction de vos ambitions sportives (reprise d'un sport à pivot), ou de l'apparition d'une sensation d'instabilité par la suite.
Docteur J.E. Perraudin, chirurgien orthopédiste, Paris