Toujours proposée chez le sujet jeune, la suture des lésions méniscales du genou sous arthroscopie a fait de réels progrès sur le plan technique.
Quand c’est réalisable, préserver le ménisque est généralement préférable : le ménisque contribue à protéger le cartilage et peut limiter le risque d’usure à long terme [1] [2].
Technique de la suture méniscale
Il s’agit de rapprocher les bords de la lésion et de les fixer l’un contre l’autre avec des fils. Actuellement, la suture méniscale bénéficie d’un matériel fiable pour être faite sous arthroscopie.
Rapprocher les berges, les affronter et les fixer
Le fragment méniscal mobile, gênant, est donc partiellement séparé du reste du ménisque par la fissure.
Le premier temps de l’intervention consiste à reposer le fragment à sa place, ce qui est d’autant plus facile que la lésion est récente.
Les berges sont ensuite avivées pour stimuler la cicatrisation biologique : cet avivement est réalisé en « grattant » les berges avec une curette, par exemple.
Une fois les berges avivées, le fragment reposé, le chirurgien pose des points de suture.
C’est ce qu’on appelle la fixation primaire, mécanique, la suture proprement dite.
Mais la suture ne suffit pas : il faut ensuite la cicatrisation biologique.
L’apport de substances par le sang
Pour que les tissus se collent et cicatrisent, il faut toute une série de processus biochimiques, qui ne sont possibles que si la zone est suffisamment vascularisée [4].
Faut-il toujours suturer ?
Plusieurs aspects de la lésion sont à considérer :
- La lésion
- Son type, sa localisation,
- Son étendue,
- Son ancienneté
- Le ou la patiente
- Son âge
- Sa motivation
Sa localisation
Vascularisation
Le ménisque n’est vascularisé que dans sa partie la plus épaisse à sa périphérie. On parle souvent de zones « rouge-rouge », « rouge-blanc », « blanc-blanc » selon la vascularisation [4]. Plus une fissure est périphérique (zone « rouge »), plus la cicatrisation est plausible.
La zone rouge cicatrise mieux
C’est la zone où la suture est la plus efficace. En zone blanche, elle a beaucoup moins de chances de cicatriser.
Type de lésion ?
Languette
La photo montre une languette du ménisque. Son apparence laisse penser qu’elle n’est pas vascularisée ; a priori, ce sera plutôt une méniscectomie limitée à la languette.
Anse de seau
L’anse de seau méniscale est liée à une fissure étendue, périphérique du ménisque (souvent au moins partiellement en zone rouge). Sa suture est logique si elle est récente en tenant compte des autres facteurs de décision. Elle doit être réalisée chez les jeunes.
La taille du fragment
Si le fragment à enlever est important, cela peut être un argument pour essayer de le suturer même chez un adulte (grosse anse de seau, par exemple), au cas par cas.
L’ancienneté de la lésion
L’idéal est que la lésion soit très récente (moins de 2–3 semaines).
Si la lésion est plus ancienne, la vascularisation du fragment peut se résorber : avant de suturer, on avive les berges, mais cela risque de ne pas suffire.
Si la lésion est ancienne et déplacée, il peut aussi être difficile de la reposer à sa place normale : c’est un peu comme si le fragment avait perdu sa place.
Autre difficulté : le fragment reposé peut être instable (il ne reste pas à sa place si le genou est mobilisé).
L'âge
Plus le patient est jeune…
… plus il faut suturer ! Il faut essayer de garder le ménisque.
Avec l’âge, le risque de non cicatrisation augmente
L’âge ne résume pas tout : certaines réparations peuvent rester pertinentes chez des patients plus âgés bien sélectionnés, mais le risque d’échec peut être plus important [3].
La motivation
Il faut l’accord du patient ou de la patiente, après une information claire sur les suites, les risques et les avantages d’une suture méniscale.
Des facteurs pratiques peuvent faire préférer l’ablation de la lésion :
- Besoin de reprendre rapidement son travail ou son sport.
- Ne pas vouloir prendre le risque d’être réopéré si la suture ne cicatrise pas.
En pratique
Si la lésion du ménisque est isolée
La suture d’une lésion isolée du ménisque (sans rupture du ligament croisé antérieur associée) concerne surtout les jeunes patients et certaines lésions chez les plus âgés (20–30 ans) : fissure très périphérique (zone rouge) qui nécessiterait l’ablation d’une grosse partie du ménisque.
Association à une rupture du ligament croisé antérieur
Si le ligament croisé antérieur est rompu, il est logique de le reconstruire et d’essayer de suturer les lésions importantes et mobiles. Ceci peut être fait rapidement après un épisode de blocage du genou, quitte à reconstruire le ligament croisé dans un deuxième temps.
Suites d’une suture méniscale
Les premières semaines
Certains immobilisent le membre inférieur avec une attelle, systématiquement ou selon la suture réalisée.
Il est logique de limiter la flexion à 90° pour mettre la zone de suture au repos.
Les suites peuvent être temporairement difficiles (douleurs, difficultés pour plier le genou, boiterie).
Il faut adapter le traitement contre les douleurs, s’engager dans les exercices d’autorééducation guidée, et tenir votre chirurgien au courant au fur et à mesure.
Auto-rééducation
Pas de particularité, mise à part la flexion limitée à 90° pendant le premier mois : autorééducation avec les exercices habituels.
Quelques séances avec un kiné peuvent être utiles, en cas de difficultés.
Est-ce que mon ménisque est cicatrisé ?
C’est une question à laquelle il est parfois difficile de répondre de manière formelle.
L’IRM permet de surveiller la cicatrisation, mais son interprétation est souvent difficile (cicatrisation parfois partielle).
Mais est-elle suffisamment solide pour reprendre mon sport ?
La reprise des sports
La décision de reprise des activités sportives repose donc sur le temps écoulé depuis la suture.
La patience est de mise : il faut essayer de ne pas reprendre de sport avant au moins 4 mois (souvent plus pour les sports avec pivots).
Un des « avantages » d’une rupture simultanée du ligament est de prolonger l’arrêt sportif pour protéger la greffe, et donc aussi la suture méniscale.
Les risques
Rappelons que le risque de la méniscectomie, même partielle, est d’augmenter le risque d’arthrose du genou opéré [1] [2].
Il n’est pas exclu qu’un geste de suture méniscale soit lui aussi traumatisant pour le cartilage et puisse être à l’origine de chondropathies (par exemple sur de petits genoux très serrés).
Risques liés au geste chirurgical
On retrouve ici les risques potentiels de la chirurgie articulaire (raideur, douleurs persistantes, infection, etc.).
Il existe des risques particuliers à la suture, en particulier de blessure vasculaire ou nerveuse lors de la pose des fils ; les vaisseaux sont derrière le ménisque (voir les schémas ci-dessous).
Risque de non cicatrisation
Le risque de « non cicatrisation » et donc d’une nouvelle arthroscopie pour enlever la partie suturée mais gênante est réel, surtout après 25 ans.
Conclusion
Même si le risque d’échec de la cicatrisation existe, il est logique actuellement de proposer une suture méniscale chez le jeune patient, et parfois chez un patient plus âgé si le fragment lésé est important. Les indications se discutent au cas par cas.
À l’inverse, il peut sembler plus simple pour le patient, à partir d’un certain âge, d’enlever un morceau de ménisque plutôt que de le suturer : moins d’arrêt de travail, reprise plus rapide, pas de risque de non cicatrisation, pas de nouveau blocage ni de nouvelle arthroscopie. Le risque d’arthrose reste présent.
Schémas expliquant la suture méniscale
Voici quelques images expliquant les différentes étapes d’une suture méniscale sous arthroscopie.
Rappelons que le fémur n’est pas représenté sur ces schémas et que la zone à suturer se trouve au fond du genou. Pour y accéder, le chirurgien glisse ses instruments entre le fémur et le tibia en tirant sur la jambe pour écarter les deux os. Certains genoux sont plus « serrés » que d’autres.
Questions fréquentes
Pourquoi le chirurgien essaie-t-il de suturer plutôt que d’enlever ?
Quand c’est possible, conserver le ménisque aide à préserver le cartilage. Les études retrouvent, en moyenne, une progression arthrosique plus fréquente après méniscectomie qu’après réparation [1] [2].
La suture est-elle utile si la fissure est « en zone blanche » ?
La zone blanche est peu ou pas vascularisée, donc la cicatrisation est moins probable. La décision dépend du type de lésion, de sa taille et de votre situation.
Est-ce normal d’avoir en postopératoire ?
Oui, des douleurs et une boiterie transitoires peuvent survenir. L’objectif est de gérer la douleur, de récupérer progressivement la marche, et de respecter les consignes (notamment la flexion).
À quel âge ça ne sert « plus » de suturer ?
Il n’y a pas un âge unique. Le risque d’échec augmente en moyenne avec l’âge, mais certaines réparations restent pertinentes chez des patients bien sélectionnés [3].
Si la suture ne cicatrise pas, que se passe-t-il ?
Une nouvelle arthroscopie peut être proposée pour enlever la partie devenue gênante. C’est l’un des risques spécifiques de la suture.
Voir aussi
Références
- Migliorini F, et al. Meniscectomy is associated with a higher rate of osteoarthritis compared to meniscal repair following acute tears: a meta-analysis. Knee Surgery, Sports Traumatology, Arthroscopy. 2023. DOI · Retour au texte (2)
- Hurmuz M, et al. Osteoarthritis Development Following Meniscectomy vs Meniscal Repair… (revue/meta-analyse). 2024. Accès (PMC) · Retour au texte (2)
- Jaibaji R, et al. Outcomes of Meniscal Repair in Patients Aged 40 and Above: A Systematic Review. 2023. PubMed · Retour au texte
- Mameri ES, et al. Review of Meniscus Anatomy and Biomechanics. 2022. Accès (PMC) · Retour au texte (2)