Prévenir et traiter la douleur après une opération du genou
Mise à jour le 11 novembre 2025
Rédigé par le Dr J.E. Perraudin, Chirurgien orthopédiste
Définition de la douleur
Selon la définition officielle de l'Association internationale pour l'étude de la douleur (IASP),
"La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes"[7].
La douleur repose donc avant tout sur notre ressenti, …
Douleur et Emotion
Le risque de douleur après l'opération est une source d'inquiétude bien normale, surtout lorsqu'il faut prendre la décision de se faire opérer. Aujourd’hui, la prise en charge de la douleur est considérée comme fondamentale… Nous avons tout ce qu’il faut pour traiter vos douleurs.
L'inquiétude, le stress préopératoire augmentent le risque d'avoir mal après une intervention; c’est pourquoi je vous propose de vous intéresser à la douleur et à ses traitements. Vous pouvez même profiter de cette occasion pour découvrir des techniques nouvelles[8].
Prévoir, évaluer, vous écouter
Soulager la douleur, c’est d’abord :
- Prévoir (savoir ce qui fait mal, quand, combien de temps …),
- Évaluer (la douleur évolue et varie selon les personnes),
- Écouter votre ressenti personnel,
- Adapter le traitement à votre cas.
(extrait du livret remis lors de l’hospitalisation ou consultation d’anesthésie).
Nous dire quand vous avez mal
À votre réveil, on vous demandera régulièrement d’évaluer votre douleur. Mais il faut aussi nous dire si vous avez mal — ne pas hésiter à appeler l’infirmière (surtout la nuit), et me le dire lors de ma visite. N’hésitez pas.
La consultation d’anesthésie
La consultation d’anesthésie est un temps fort pour trouver des réponses aux questions sur la douleur.
La prise en charge de la douleur
La douleur postopératoire est de type inflammatoire
La douleur peut être inflammatoire, neuropathique ou mixte. Ici, elle est essentiellement d’origine inflammatoire. L’inflammation est le processus de réparation tissulaire. Son activation entraîne la libération locale de substances "algogènes" qui stimulent les récepteurs de la douleur nerveux.
Avant l'intervention
La prise en charge commence avant l’intervention par la prise d’anti-inflammatoires (celecoxib) pendant 48h. Son effet a été prouvé [1] : cela permet de diminuer la quantité de morphiniques postopératoires.
Pendant l'opération
Infiltrations tissulaires par le chirurgien
Pendant l’opération, les infiltrations locales dans le genou par le chirurgien permettent un réveil peu douloureux [2]. Leur effet dure environ 24 heures.
Pour un "réveil" plus serein
L’anesthésiste vous administre ce qu’il faut dans la perfusion pour gérer la douleur progressivement [3].
En salle de réveil
À votre réveil, les infirmières vous demanderont si vous avez mal et vous aideront à évaluer votre douleur. Le traitement sera adapté à votre ressenti [2].
Les douleurs au réveil seront traitées au fur et à mesure : nous avons ce qu’il faut !
Soyez actifs : dès le réveil, bougez doucement vos orteils puis votre cheville, réveillez doucement votre quadriceps en le contractant (exercice de "l'écrase-coussin sans coussin").
Les différents médicaments de la douleur (les antalgiques)
Palier 1
Paracétamol ou AINS tels que ibuprofène, kétoprofène, naproxène… destinés aux douleurs légères ou modérées.
Palier 2
Codéine, tramadol, seuls ou associés pour douleurs modérées à sévères ou insuffisamment soulagées par palier 1.
Palier 3
Dérivés morphiniques pour douleurs intenses rebelles aux autres traitements — pompe à morphine rarement utilisée en prothèse de genou.
Les autres traitements disponibles
Le froid
Le glaçage est toujours efficace (avec protection cutanée). L'attelle réfrigérante GameReady est posée sur votre jambe en salle de réveil, à la sortie du bloc opératoire. Le froid affaiblit la perception de la douleur [3] [9].
Les blocs péri-nerveux
L’anesthésiste peut effectuer des infiltrations nerveuses autour du nerf repéré en échographie : injection d’anesthésiant pour "endormir" le nerf. Durée variable selon produit/adjuvants. Ces blocs ne sont pas systématiques. Le bloc fémoral est abandonné après ligamentoplasties; en prothèse, le bloc "adducteurs" est discuté cas par cas [1][2].
En savoir plus sur la douleur
Le chemin de la douleur
La chaleur, le froid, la pression trop importante, l'inflammation vont stimuler des récepteurs qui se trouvent un peu partout dans le corps : sous la peau, dans les os, dans les articulations.
Cette stimulation du récepteur entraine des échanges d'ions positifs et négatifs au niveau de la membrane des cellules : cela fait naître l'influx nerveux dans le neurone (la fibre du nerf).
Cet influx se propage le long (de l'axone) du nerf vers la colonne vertébrale. L'arrivée de l'influx au niveau du noyau du neurone dans la moelle épinière, entraîne la libération d'un médiateur chimique.
Ce médiateur va à son tour stimuler des neurones de la moelle, qui vont apporter l'information au cerveau (perception de la douleur).
Notez qu'un neurone moteur peut être stimulé de façon réflexe, entrainant immédiatement, si besoin, un geste de dégagement de la source de douleur.
C'est ensuite que le cerveau intervient dans le traitement de l'information douloureuse (la sensation).
Perception / sensation
Perception de la douleur
La perception est un phénomène sensoriel transmis au cerveau par les neurones (nerfs) sous la forme d'un signal électrique. Elle varie selon le stimulus qui génère ce signal électrique.
Sensation douloureuse
La sensation, quant à elle, résulte du processus d'interprétation de ce signal électrique par notre cerveau qui dépend, entre autres, de l'état de santé de chaque individu, de son âge et de l'environnement. Une même douleur peut ainsi être ressentie de manière différente suivant les personnes.
Les douleurs chroniques postopératoires
Elles sont rares, mais peuvent persister longtemps. Elles peuvent être d'origine neuropathique, en lien avec une sensibilisation centrale ou locale [4] [6].
Elles apparaissent plus souvent si les deux premiers jours postopératoires sont très douloureux : l'objectif est donc de faire en sorte que vous puissiez vous lever et marcher au plus vite après l'opération avec le minimum de douleurs.
Prévention et facteurs de risque
L'utilisation du garrot
Lors de la pose d'une prothèse de genou
Le garrot est souvent retrouvé comme facteur de risque dans les études réalisées [5].
Je n'utilise pas de garrot pour la pose de prothèse du genou.
La ligamentoplastie du LCA
Pour la reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA), je n'utilise pas de garrot pendant la prise de la greffe et sa préparation. Par contre, le garrot est indispensable pendant le geste sous arthroscopie (30 à 45mn selon les gestes associés méniscaux).
La prévention des douleurs aigues post-opératoires
Les douleurs peuvent être aiguës les deux premiers jours postopératoires. Les outils suivants permettront de les diminuer considérablement [2][3] :
- La prise d'anti-inflammatoires de type célécoxib, pendant 48h avant l'opération,
- L'anesthésie loco-régionale (dite "rachi-anesthésie"),
- L'injection de produits anesthésiants dans le site opératoire par le chirurgien,
- La pose d'un bandage élastique pendant 48h,
Associés :
- A l'engagement du ou de la patiente, dès la fin de l'opération, dans l'auto rééducation,
- Aux médicaments donnés dans la perfusion par l'anesthésiste,
- Puis aux médicaments prescrits systématiquement au début, puis à la demande.
Que ce soit après la chirurgie du ligament croisé ou après la pose d'une prothèse de genou, les mêmes principes sont appliqués avec une efficacité équivalente, mais après la pose de prothèse, persiste une période un peu plus douloureuse le lendemain soir de l'opération et lors de la deuxième nuit.
Prévention côté patient
La prévention repose sur l'éducation du patient par rapport à la gestion de la douleur et sur son engagement dans de petits exercices d'autorééducation, répétés au cours de la journée, avant et après l'opération.
Comment utiliser notre cerveau pour gérer nos douleurs ?
Une technique a fait ses preuves sur la gestion de la douleur : il s'agit de la méditation en pleine conscience; elle permet de prendre du recul, de mettre les choses en perspective, invitant à développer une nouvelle façon de vivre une expérience, même difficile, en l'accueillant avec bienveillance.
"Les efforts consentis par l'individu pour éviter la souffrance, jouent un rôle majeur dans le développement et le maintien de ses difficultés.".
Inrérêt de l'approche therapeutique basée sur la pleine conscience (mindfulness)[10].
Docteur J.E. Perraudin
Références
- Xue X, Zhang M, Liu Y, et al. Postoperative pain relief after total knee arthroplasty … 2024. PubMed – DOI
- Lavand’homme P. Pain management after total knee arthroplasty: a narrative review. J Clin Med. 2022. PMC – DOI
- Li J, Guo W, Yang T, et al. Postoperative Pain Management in Total Knee Arthroplasty. Orthop Surg. 2019. PMC – DOI
- Luo D, Wang C, Chen Y, et al. Chronic post-surgical pain after total knee arthroplasty: mechanisms, risk factors and management. Perioperative Medicine. 2024. Article – DOI
- Morete-Pinto MC, Sousa-Correa AF. Strategies for postoperative pain management in total knee arthroplasty: an integrative review. Br J Pain. 2021. Article – DOI
- Khalid S, Ripon A, Walker T, et al. Post-operative determinants of chronic pain after primary total knee arthroplasty. J Orthop. 2021. Article – DOI
- Le dossier d'information sur la douleur de l'Inserm
- La méditation en pleine conscience
- Marinova M, Sundaram A, Holtham K, Ebert JR, Wysocki D, Meyerkort D, Radic R. The role of a cryocompression device following total knee arthroplasty to assist in recovery: a randomised controlled trial. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc. 2023 Oct;31(10):4422-4429. doi: 10.1007/s00167-023-07455-3. Epub 2023 Jul 18. PMID: 37464101; PMCID: PMC10471706.
- Revue médicale suisse / Approches therapeutiques basées sur la pleine conscience (mindfulness) : utilité pour le traitement de la douleur.↑ Retour